A la veille des JO de Paris 2024, l'événementiel voit grand, la pollution et les critiques aussi. Au vue de son impact économique non négligeable (32 milliards d'euros en 2019 selon EY), l'événementiel, du séminaire au festival en passant par les salons, doit faire sa mue responsable et accélérer sa trajectoire de décarbonation, au risque d'avancer à contre-sens.
Première étape de cette trajectoire de décarbonation, la mesure des émissions de son événement.
Mais comment effectuer ce calcul ? Quelles sont les normes et références ? Quels sont les postes d'émission à prendre en compte ? Suivez le guide !
Normes et référentiels du calcul de l'empreinte carbone
Le calcul de l'empreinte carbone des événements est encadré par diverses normes et référentiels, en constante évolution pour mieux répondre aux enjeux climatiques. Initialement défini par le British Standards Institute (BSI) dans le cadre de la norme sur la neutralité carbone, de nouveaux référentiels ont émergé. Voici les principaux.
Principaux référentiels
- Greenhouse Gas Protocol, un protocole international visant à établir un cadre règlementaire pour mieux définir les émissions de GES.
- Bilan Carbone®, un ensemble de méthodes qui permettent mesurer et de suivre la quantité de gaz à effet de serre qu'une organisation émet du fait de son activité.
- PAS 2060, une norme dédiée à la neutralité carbone qui s'applique aux organisations de tous types. Elle couvre toutes les activités ayant lieu avant l’événement (liées à la préparation), pendant l’événement et après (pendant la désinstallation ou prévues comme un héritage de l’événement).
Principales normes et directives
Rapport de durabilité
La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), entrée en vigueur le 1er janvier 2024, vise à étendre progressivement, renforcer et harmoniser le reporting extra-financier des entreprises en lien avec le développement durable à l’échelle européenne. Le référentiel de la CSRD comprend 12 standards répartis selon une approche ESG (Environnement, Social et Gouvernance). L’objectif pour les entreprises est de travailler et communiquer sur ses enjeux en suivant un principe de double matérialité, prenant en compte à la fois l’impact des activités de l’entreprise sur son environnement économique social et naturel et la réciproque, l’impact de son environnement sur son activité.
Stratégie bas-carbone et bilan des émissions de gaz à effet de serre
La Stratégie Nationale Bas-Carbone est la feuille de route de la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Elle définit le scénario lié à la stratégie de décarbonation du pays à l’horizon 2050, ainsi que les objectifs, les orientations et jalons intermédiaires pour y parvenir. Ces derniers prennent la forme de budgets carbone, c’est-à-dire des plafonds d’émissions fixés pour des périodes de 5 ans. Ainsi, la SNBC conjugue long et court terme.
Communication climatique en France
En France, la loi Climat et Résilience, entrée en vigueur le 1er janvier 2023, fournit un cadre réglementaire pour la communication climatique. Pour prévenir tout risque de "greenwashing" les entreprises ne peuvent plus vanter la "neutralité carbone" (ou toute autre expression d’une portée équivalente) d'un produit ou d’un service en France, sous peine de sanctions lourdes, sans donner accès sur leur site et via un QR code ou un lien présent sur le produit ou la publicité au rapport de synthèse décrivant :
- L’empreinte carbone du produit ou service dont est fait la publicité, établie préalablement de manière totale est scientifique ;
- La démarche et les preuves avérées démontrant que l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre sont prioritairement évitées, puis réduites, et enfin compensées.
Par ailleurs, et en ligne avec la recommandation de l’ADEME, il est recommandé de ne pas utiliser la qualification “neutre en carbone” pour vos produits ou services : cette expression étant peu précise voire trompeuse si elle ne répond pas aux exigences de la loi Climat et Résilience mentionnée ci-dessus. Préférez la mention de contribution à la neutralité carbone (engagement dynamique et collectif) lorsque vous souhaitez mettre en lumière votre trajectoire de décarbonation.
Puisqu’on ne peut décarboner ce qu’on ne mesure pas, comment procéder concrètement au calcul ? Quelles données doivent être prises en compte lors de l'organisation d'événements ? Rentrons dans le vif du sujet.
Les postes d'émission spécifiques aux événements
Le principe du calcul carbone repose sur la collecte de données d'activité, ensuite multipliées par des facteurs d'émission (FE) qui traduisent ces données d’activités en émissions de CO2e (exemple : 2,7 kgCO2e par litre d’essence) pour obtenir l'empreinte carbone de l'activité ou événement. Pour ceux qui n’ont pas lu notre glossaire de l’événementiel responsable, un FE est un ratio entre une unité de bien ou service et la quantité de gaz à effet de serre émis en consommant cette unité de produit ou service. Les FE sont multipliées par la quantité des biens ou services pour obtenir un résultat en tonnes ou kg de CO2e.
Voici les principaux postes d'émission spécifiques aux événements à considérer :
- Transport des personnes (Participants/Staff) : les émissions liées au transport des participants et du personnel pour se rendre à l'événement (aller-retour), que ce soit en voiture, en avion, en train ou en autre moyen de transport.
- Fret (transport des biens) : les émissions associées au transport des biens nécessaires à l'événement, tels que le matériel technique, les décors, les équipements audiovisuels, etc.
- Temps-homme dédié : il s'agit du temps passé par le personnel à organiser et coordonner l'événement. Cela inclut la planification, la gestion des prestataires, les aller-retours avec les clients ou sponsors et toutes les autres tâches liées à la bonne réalisation de l'événement. Ce poste d’émissions permet notamment de considérer tout le travail en amont de l’événement et lors de l’installation/désinstallation qui n’est que rarement comptabilisé.
- Matériel et aménagement d’espace : les émissions provenant de la fabrication, de l'achat et de l'utilisation de matériaux pour l'aménagement de l'espace de l'événement, y compris les stands, les décors, les installations temporaires, etc.
- Energie : les émissions de gaz à effet de serre produites par la consommation d'électricité, de gaz ou d'autres sources d'énergie nécessaires au fonctionnement de l'événement, y compris l'éclairage, le chauffage, la climatisation, etc.
- Restauration : les émissions provenant de la production, de la préparation et de la distribution de nourriture et de boissons pour les participants et le personnel de l'événement.
- Hébergement : les émissions de gaz à effet de serre liées à l'hébergement des participants et du personnel de l'événement dans des hôtels, des auberges ou d'autres types d'hébergement.
- Goodies : les émissions engendrées par la production, l'emballage et la distribution de cadeaux promotionnels ou de souvenirs distribués aux participants de l'événement.
- Déchets : les émissions provenant de la gestion des déchets générés pendant l'événement, y compris leur collecte, leur transport, leur traitement et leur élimination.
- Digital (sites web, livestream…) : les émissions de gaz à effet de serre associées à l'utilisation de ressources numériques telles que les serveurs pour héberger des sites web, des plateformes de streaming pour diffuser des événements en direct, les campagnes de mailing etc.
Les périmètres d'un Bilan Carbone®
Le Bilan Carbone®, initialement développé par l'ADEME et repris par l'Association pour la transition bas carbone, est la méthode la plus connue et utilisée en France. Le terme est depuis passé dans le langage courant. La méthode comprend 5 étapes clés sur un périmètre donné (produit, service, organisation…) dont la sensibilisation et l’engagement des parties prenantes, la mesure de l’empreinte carbone au sein du périmètre défini, l’identification de pistes de réduction et la mise en place d’une trajectoire de décarbonation dans une optique d’amélioration continue, la communication et la transparence
Pour catégoriser les émissions de gaz à effet de serre par poste ou par type d'activité d'une entreprise, et cadrer le champ de réalisation du Bilan Carbone®, différents périmètres sont à prendre en compte. En général, on peut distinguer trois principaux périmètres :
Le périmètre organisationnel
Le périmètre organisationnel comprend toutes les parties prenantes nécessaires à l’organisation et à la réalisation de l’événement. Ce périmètre permet d'identifier l’ensemble des prestataires et parties prenantes que vous aurez à solliciter durant la phase de collecte des données car ils détiennent, au titre de leur prestation ou de leur implication dans l’événement, une part de l’empreinte carbone de votre événement et donc des données nécessaires à son calcul.
Le périmètre opérationnel
Le périmètre opérationnel de l’empreinte carbone d’un événement s’applique ensuite aux activités émettrices inhérentes à l’organisation de l’événement.
Il comprend :
- La phase préparatoire en amont (ex. création des stands) ;
- L’événement en tant que tel ;
- La phase aval (ex. communication post-événement).
Les émissions d’un événement sont principalement liées à son scope 3 (émissions indirectes non liées à la production ou à l’achat d’énergie). L’énergie produite (scope 1) et achetée (scope 2) par le lieu n’est en effet que rarement du ressort de l'organisateur de l'événement. Les autres catégories d’activités ou postes d’émissions concernant d’autres prestataires sont également incluses dans le scope 3.
Le périmètre temporel
Contrairement aux activités d’une entreprise qui se font de manière relativement continue, un événement ayant lieu dans un laps de temps assez court, il vous faut anticiper la collecte des données au maximum pour garantir une estimation précise de l’empreinte carbone de votre événement.
De plus, vos prestataires fournissent des services limités dans le temps (c’est aussi votre cas vis-à-vis des participants et de l’annonceur le cas échéant), il vous faut donc absolument anticiper le besoin de collecte pour chaque partie prenante (participants compris) et transmettre la demande adéquate le plus tôt possible (via le cahier des charges et dans les échanges projets notamment), idéalement dès la phase de conception de l’événement.
Sélection des périmètres
Pour faire l’exercice de manière robuste et évaluer l’empreinte carbone de votre événement sur l’intégralité de son périmètre, nous vous recommandons de les évaluer selon deux critères :
- Responsabilité : les flux/postes dont vous êtes directement responsable dans le cadre de votre événement (exemple : vos achats)
- Dépendance : les flux/postes indispensables à la bonne tenue de votre événement, mais dont vous êtes dépendants/pas directement responsable (exemple : le transport des participants)
Pour chaque poste, vous pouvez ainsi répondre à la question suivante : Mon événement peut-il avoir lieu tel qu’envisagé si je retire tel flux/poste ? Si la réponse est non, je dois garder le flux/poste et calculer son impact. Si la réponse est oui, je peux retirer le flux/poste et le retirer de mon périmètre de calcul. Il sera plus facile de réduire l’empreinte sur les postes dont vous êtes responsables plutôt que sur ceux dont vous êtes dépendants, même s’il est important d’essayer de réduire ces derniers dans la mesure du possible.
Comment réaliser son calcul ? Les différentes approches
Il existe différentes approches pour évaluer les émissions de GES, selon votre degré de maturité en termes de comptabilité carbone et à la qualité des données à votre disposition. Chaque approche associe des données d’activité et des facteurs d'émission afin de calculer les émissions de GES associées à une activité. Afin d’obtenir une empreinte carbone la plus précise possible, mais surtout afin de pouvoir analyser l’empreinte et identifier des axes de réduction d’émissions, il est important d’avoir les données les plus représentatives de la réalité physique de son activité. Puisqu’il est parfois difficile d’obtenir des données précises sur l’ensemble de vos postes d’émissions, il convient de prioriser votre investissement temps sur les postes les plus émissifs.
L'approche physique (FE spécifique)
Cette approche consiste à calculer une empreinte carbone grâce à des FE physiques (ex: nombre de kWh consommé, poids en kg de vos stands etc.) qui sont spécifiques à un produit ou service particulier. Ce type de FE vous est généralement donné par vos fournisseurs. Il s’agit de l’approche la plus précise, l’incertitude y est faible. Grâce à celle-ci, vous pouvez différencier 2 fournisseurs proposant des produits ou services équivalents. Aujourd’hui au sein du secteur événementiel, très peu de professionnels ont calculé l’empreinte carbone de leurs produits et/ou services. C’est pourquoi, nous travaillons avec les différentes typologies de prestataires et fournisseurs dans le calcul carbone de leurs prestations afin d’étoffer notre base de données, et ainsi améliorer la connaissance sectorielle collective en matière de calcul carbone.
L'approche physique (FE générique)
Cette approche est identique à la précédente, à l’exception près que les FE utilisés ne sont pas spécifiques à un produit ou service mais sont issues d’une moyenne de produits ou services équivalents (ex. Une chaise en bois vs une chaise modèle Y de la marque X) L’empreinte carbone générée grâce à cette méthode reste précise, l’incertitude y est acceptable. Il est également aisé d’identifier des pistes de réductions d’émissions comme l’optimisation ou le changement d’intrants. Cependant, il est impossible de comparer différents fournisseurs pour des produits ou services identiques si vous n’avez que des données génériques issues de bases de données qui agrègent l’empreinte carbone moyenne des produits, matériaux et services. Ainsi, il ne vous sera pas possible de différencier deux modèles d’ordinateurs, de papier, ou de voitures équivalentes.
L'approche financière
Si vous avez uniquement des données liées à vos dépenses (factures énergétiques par exemple), il est possible de les multiplier par des facteurs d'émission dits « budgétaires » plus communément appelés ratios monétaires. Ces facteurs d'émission sont construits via des analyses de flux monétaires entre branches de l’économie. Cette approche permet d’obtenir un premier ordre de grandeur, mais il est impossible avec des données budgétaires de mettre en place des actions de réduction autres que la réduction des dépenses. Cette approche dite « financière » ne doit être utilisée qu’en l’absence d’autres données plus précises, car elle comprend une très forte incertitude. Au fil du temps et l’expérience aidant, il vous faudra dépasser l’approche financière. Dans le cadre d’un événement, l’approche financière reste acceptable à moyen terme pour un poste d’émissions considéré comme non significatif en termes d’émissions GES et/ou facilement supprimable/remplaçable par l’organisateur, par exemple le poste des goodies. Pour les autres postes d’émissions, l’approche budgétaire ne peut suffire in fine.
Au début, il n’est pas rare de combiner plusieurs approches, votre premier objectif n’étant pas d’avoir l’empreinte la plus précise possible quitte à oublier certaines zones de votre périmètre, mais bien d’obtenir l’empreinte la plus complète possible quitte à avoir des incertitudes plus importantes par endroit.
L’incertitude liée au calcul de l’empreinte carbone
L'incertitude dans le calcul de l'empreinte carbone résulte du fait que de nombreuses données et informations utilisées pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont basées sur des hypothèses. Cela signifie que les chiffres que vous obtenez ne sont pas nécessairement exacts, mais représentent plutôt des approximations de la réalité. L’empreinte carbone peut donc être considérée comme une approximation visant à être de plus en plus précise. Les principales sources d'incertitude comprennent :
- Données d'entrée/d’activités : Les données de base utilisées pour calculer les émissions de GES peuvent varier en fonction de la qualité, de la précision et de la disponibilité de ces données. Les incertitudes proviennent de la collecte de données sur la consommation d'énergie, les trajets parcourus par les participants, la connaissance des modes de transport utilisés etc.
- Facteurs d'émission : Les facteurs d'émission sont des valeurs utilisées pour convertir les données d'entrée en émissions de GES. Ces facteurs d'émission peuvent varier en fonction de la source et de la méthodologie ou l’approche utilisée (voir section précédente). Des incertitudes peuvent survenir en raison de la portée des études menées à l’origine de ces facteurs d'émission, de l'actualisation des facteurs d'émission, de l'évolution des technologies, ou de la variabilité régionale par exemple.
- Estimations : Lorsque des données exactes ne sont pas disponibles, il est nécessaire d'estimer certaines valeurs pour compléter l’empreinte. Reposant sur des hypothèses et des approximations,ces estimations sont sujettes à une incertitude inhérente.
- Extrapolations : Parfois, les données disponibles ne couvrent pas une période/population complète ou ne reflètent pas la situation actuelle. Dans de tels cas, des extrapolations doivent être effectuées pour estimer les émissions sur une population/période complète ou la situation actuelle. Ces extrapolations peuvent introduire des incertitudes supplémentaires liées au contexte des éléments extrapolés.
Le calcul de l'empreinte carbone des événements est un processus complexe mais crucial pour réduire l'impact environnemental de cette industrie. En utilisant les bonnes méthodes et en collectant les données les plus fiables possibles, les organisateurs d'événements peuvent identifier les principaux postes d'émission de gaz à effet de serre et mettre en œuvre des stratégies efficaces pour les réduire. En adoptant une approche proactive et en collaborant avec les parties prenantes du secteur événementiel dès la (re)naissance d’un événement, nous pouvons contribuer à créer un avenir plus durable pour tous.